Les autres troubles sont-ils vraiment des comorbidités de la douleur vulvaire chronique ou contribuent-ils à l’hyperactivité des muscles du plancher pelvien qui finit par se traduire par une douleur sexuelle qui est finalement diagnostiquée comme une forme ou une autre de vulvodynie?

Cette question est en lien avec cette publication du RQRD et la vidéo vulgarisée de Malgorzata Starzec-Proserpio associée.

C’est une question excellente et nuancée – qui reflète bien la complexité des syndromes de douleur vulvaire chronique tels que la vulvodynie.

La vulvodynie parmi les affections douloureuses chroniques chevauchantes (COPCs)

La vulvodynie est classée parmi les affections douloureuses chroniques qui se chevauchent (Chronic Overlapping Pain Conditions – COPCs), un groupe de syndromes hétérogènes comprenant :

  • des affections extra-pelviennes comme la fibromyalgie, le syndrome de fatigue chronique et les troubles temporo-mandibulaires ;
  • des affections pelviennes telles que le syndrome de la vessie douloureuse, le syndrome de l’intestin irritable et l’endométriose.

Ces conditions se caractérisent par des symptômes pénibles (douleur, fatigue, entre autres) qui ne peuvent être entièrement expliqués par une pathologie identifiable unique.

Une sensibilité sensorielle centrale accrue comme mécanisme commun

Des études en neuroimagerie suggèrent que de nombreuses COPCs sont associées à une augmentation centrale de la sensibilité sensorielle. Des mécanismes communs, comme la sensibilisation centrale, pourraient sous-tendre cette hypersensibilité généralisée.

Un débat subsiste sur la nature du lien entre ces affections :

  • Certaines pourraient en déclencher ou aggraver d’autres ;
  • D’autres pourraient coexister en raison de mécanismes physiopathologiques partagés.

Le rôle du plancher pelvien dans la vulvodynie : cause, conséquence ou composante ?

Chez les personnes atteintes de vulvodynie, une tension ou une hyperactivité des muscles du plancher pelvien (MPP) est fréquemment observée. Toutefois, il reste difficile de déterminer s’il s’agit :

  • d’un facteur prédisposant,
  • d’une conséquence de la douleur,
  • ou d’un simple élément d’un tableau clinique plus large.

Deux principales hypothèses coexistent :

  • La douleur et l’inflammation pelvienne mèneraient à un dysfonctionnement musculaire.
  • Ce dysfonctionnement des MPP pourrait, à l’inverse, déclencher une hypersensibilité de la muqueuse vaginale, contribuant à des symptômes de type vulvodynie.

Un cercle vicieux entre douleur et dysfonction musculaire

Il est probable qu’un cercle vicieux se mette en place : la douleur aggrave le dysfonctionnement musculaire, lequel intensifie à son tour la douleur. Ce cycle pourrait être renforcé par des facteurs cognitifs, émotionnels, comportementaux et sociaux.

Une perspective clinique : interaction entre régulation systémique et facteurs locaux

Dans ce contexte, la suggestion initiale de la question est tout à fait pertinente. Par ailleurs, certaines observations montrent que la vulvodynie peut précéder d’autres COPCs.

Même si la causalité directe est souvent difficile à établir, ce qui semble le plus utile en clinique est de :

  • reconnaître l’interaction entre les mécanismes systémiques de régulation de la douleur et les changements musculosquelettiques et sensoriels locaux ;
  • adapter les stratégies thérapeutiques en conséquence.

Malgorzata Starzec-Proserpio

Références

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Maixner W, Fillingim RB, Williams DA, Smith SB, Slade GD. Overlapping Chronic Pain Conditions: Implications for Diagnosis and Classification.
Chronic Pain Research Alliance Initiative: Chronic Overlapping Pain Conditions.
Kadah S, Soh S-E, Morin M, Schneider M, Heron E, Frawley H. Is there a difference in pelvic floor muscle tone between women with and without pelvic pain?
Kadah S, Soh SE, Morin M, et al. Are pelvic pain and increased pelvic floor muscle tone associated in women with persistent noncancer pelvic pain?
Morin M, Binik YM, Bourbonnais D, Khalife S, Ouellet S, Bergeron S. Heightened Pelvic Floor Muscle Tone and Altered Contractility in Women With Provoked Vestibulodynia.
Bergeron S, Rosen NO, Morin M. Genital pain in women: Beyond interference with intercourse.

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