Comment la recherche animale est utile pour les humains?
Pourquoi utilise-t-on des animaux pour étudier la douleur ?
La recherche utilisant des modèles animaux a permis des découvertes précieuses sur la santé humaine et les maladies, y compris la compréhension de la douleur. Les animaux permettent d’explorer les processus biologiques fondamentaux, d’identifier de nouvelles cibles thérapeutiques et de modéliser l’évolution de certaines maladies. Ils sont aussi souvent nécessaires pour tester la sécurité de nouveaux médicaments avant les essais cliniques chez l’humain.
Différents animaux nous aident à comprendre la douleur
De nombreuses espèces, de la mouche drosophile et du poisson-zèbre aux rongeurs, chiens et primates non humains, ont contribué à l’étude de la douleur. Par exemple, les larves de drosophile ont servi à identifier des gènes impliqués dans la détection des stimuli douloureux. Certains chiens développent naturellement de l’arthrose, et les traitements testés chez eux peuvent parfois être adaptés à l’humain. Cependant, les rongeurs—souris et rats en particulier—sont les principaux modèles utilisés. Leur similarité avec l’humain, leur faible coût, leur reproduction rapide, et les technologies génétiques disponibles (comme l’optogénétique) en font des modèles idéaux.
Ce que les rongeurs nous apprennent sur la douleur
Les rongeurs ont beaucoup fait avancer les connaissances en neurosciences sensorielles et en recherche sur la douleur. Ils ont permis de cartographier les voies nerveuses allant des tissus périphériques (comme le pied ou l’estomac) jusqu’à la moelle épinière et au cerveau. Ils ont aussi aidé à identifier des canaux ioniques, des récepteurs et des types cellulaires clés dans le traitement de la douleur. Ces connaissances ouvrent la voie à de nouveaux traitements non opioïdes. Les cellules cultivées en laboratoire ou les organoïdes sont utiles, mais ils ne reproduisent pas toute la complexité du corps et du comportement nécessaires à l’étude de la douleur.
Les modèles animaux sont-ils toujours utiles ?
Le faible nombre de nouveaux médicaments contre la douleur ces vingt dernières années a suscité des interrogations sur l’utilité des modèles animaux. Pourtant, les combiner avec des données cliniques humaines constitue une stratégie puissante pour découvrir de nouvelles cibles thérapeutiques. Voici quelques exemples qui ont eu un impact clinique positif.
Quand la recherche animale mène à de nouveaux traitements
Les antagonistes du peptide relié au gène de la calcitonine (CGRP) pour la migraine et les inhibiteurs du canal sodique Nav1.8 pour les douleurs neuropathiques font partie des rares nouveaux médicaments contre la douleur approuvés récemment. Leur développement repose sur des observations cliniques (par exemple, des taux élevés de CGRP chez les personnes vivant avec la migraine ou des mutations de Nav1.8 liées à la douleur) et sur des études chez l’animal, qui ont permis de comprendre les mécanismes en jeu.
Les médicaments utilisés dans la polyarthrite rhumatoïde (DMARD) ont aussi été développés grâce à des modèles animaux. Bien qu’ils visent d’abord à réduire la destruction articulaire, ils soulagent également les douleurs associées, qui sont souvent le principal symptôme pour les patients. Les modèles murins ont permis d’identifier des cibles et certains auto-anticorps, qui sont désormais visés par ces traitements efficaces.
Nouvelles découvertes sur la fibromyalgie grâce aux souris
Des modèles murins ont également permis d’identifier de nouveaux mécanismes dans la douleur liée à la fibromyalgie. Par exemple, des chercheurs ont injecté à des souris des anticorps prélevés chez des patients atteints de fibromyalgie, ou chez des personnes sans douleur. Seuls les anticorps des patients ont déclenché des comportements douloureux chez les souris. Cette découverte ouvre la voie à de nouveaux tests diagnostiques et traitements immunologiques.
Une autre étude, à l’Université McGill, a montré que les patients fibromyalgiques ont un microbiote intestinal altéré. Pour tester son rôle, les chercheurs ont transféré ce microbiote à des souris sans bactéries. Ces souris ont développé des comportements douloureux, contrairement à celles ayant reçu le microbiote de personnes saines. Cela a conduit à un essai clinique pilote, où le transfert de microbiote de donneurs sains a amélioré les symptômes de la fibromyalgie.
Regarder vers l’avenir : les animaux jouent encore un rôle clé
Les modèles animaux restent essentiels à la recherche sur la douleur. Ils fournissent des informations impossibles à obtenir uniquement chez l’humain. Même imparfaits, ils permettent—lorsqu’ils sont combinés à des données cliniques—de mieux comprendre les maladies et de développer des traitements plus efficaces. Travailler à la fois avec des modèles animaux et humains aidera à mieux comprendre la douleur et à améliorer les soins.
Références
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