Avez-vous entendu parler de la nouvelle technologie vibro-tactile pour la gestion de la douleur ?

Qu’est-ce qu’une technologie vibro-tactile ?

La peau est l’organe le plus grand du corps humain et sa surface est un canal efficace pour transmettre des informations par le toucher. La tactilité est la sensation perçue par le sens du toucher, résultant de la stimulation des récepteurs de la peau par des modalités comme la vibration et la pression. Le concept des technologies tactiles est fondé sur la capacité de la peau à transmettre des informations par ces modalités. Les technologies vibro-tactiles sont composés de composants vibrants qui délivrent des informations à travers les paramètres tels que la fréquence, l’amplitude, la forme d’onde ou la durée. Le retour d’information est généralement fourni par des vibrateurs petits et légers, comme ceux d’un téléphone qui vibre dans notre poche lorsqu’un appel est reçu.

Qu’en pensent les experts ?

Des experts en gestion de la douleur expriment des scepticismes concernant cette technologie qui prétend utiliser un système de motifs en crête, analogues à un code QR, pour envoyer des signaux au cerveau. Selon ces spécialistes, le dispositif ressemblerait plutôt à un simple fragment de plastique souple et transparent, décoré d’un motif en relief qui fait penser à une empreinte digitale. Ils ajoutent qu’aucune vibration n’est détectable et qu’il n’y a pas de composants internes apparents qui soutiendraient les affirmations du fabricant.

Que disent les études qui appuient la « technologie vibro-tactile » des Super Patchs ?

La compagnie déclare que ses Super Patch ont été testés cliniquement. Cependant, un examen approfondi des articles prétendument « scientifiques » cités en preuve révèle deux déficiences significatives. D’une part, plusieurs de ces études n’ont pas été soumises à un processus d’évaluation critique par des spécialistes du domaine, indispensable pour confirmer leur fiabilité et validité. D’autre part, les journaux ayant publié certains de ces travaux, tels que le International Journal of Family Medicine & Healthcare et Anesthesia & Pain Research, bien qu’ils revendiquent un processus de révision par des experts, ne sont pas inclus dans les bases de données scientifiques reconnues, jetant ainsi le doute sur la légitimité de leurs publications.

Lorsque l’on pousse les observations, on découvre que seulement deux articles évalués par des pairs soutiennent la technologie utilisée dans les Super Patchs pour traiter la douleur.
Une première étude évalue l’impact de la « stimulation tactile » de chaussettes munies d’une « technologie vibro-tactile » sur l’activité cérébrale, en comparaison avec l’activité cérébrale mesurée lorsque les participants portent des chaussettes standard (Figure 2).

La deuxième étude a testé l’efficacité des Super Patchs pour le traitement de la douleur chronique chez 148 adultes. Bien que les résultats révèlent des différences qui semblent avantageuses pour la « technologie vibro-tactile », la méthodologie de l’étude n’a pas impliqué de randomisation ou d’aveuglement des participants, ici encore.

Pourquoi est-il essentiel d’utiliser des méthodes telles que la randomisation et l’aveuglement dans la recherche scientifique ?

Eh bien, ces techniques sont essentielles pour s’assurer que les résultats d’une étude sont fiables et crédibles. La randomisation, c’est un peu comme tirer à pile ou face pour décider qui reçoit quel traitement dans l’étude et à quel moment. Cela aide à s’assurer que les groupes comparés sont similaires et que les différences observées sont vraiment dues au traitement et non à d’autres facteurs. L’aveuglement, quant à lui, signifie que ni les participants ni les chercheurs ne savent qui reçoit le vrai traitement ou une autre option sans effet (placebo). Cela empêche les attentes des personnes impliquées d’influencer les résultats, ce qui permet de maintenir l’objectivité de l’étude. Ensemble, ces méthodes permettent d’attribuer avec confiance les effets observés directement au traitement étudié, en éliminant l’impact des perceptions ou des attentes préconçues.

Pourquoi les chercheurs rapportent-ils des effets positifs significatifs avec la « technologie vibro-tactile » dans ces études ?

Si nous partons du principe que les chercheurs ont agi avec intégrité et ont effectivement obtenu les résultats présentés, il est possible que la méthodologie employée ait permis à l’effet placebo d’améliorer la perception des résultats par les participants. Cet effet placebo, bien connu en recherche, se manifeste lorsque l’attente d’une amélioration due à un traitement innovant conduit les participants à ressentir et à rapporter de meilleurs résultats, même si le traitement n’a pas d’efficacité réelle. Le Professeur Serge Marchand, un chercheur de renommée internationale, explore en profondeur la puissance de l’effet placebo dans le Balado suivant : L’intrigant phénomène placebo!

Quels sont les détails importants à connaître sur les Super Patchs ?

Les Super Patchs ne sont pas approuvés par Santé Canada, ce qui soulève des questions quant à leur utilisation sécuritaire et réglementée. En termes de coûts, ils peuvent rapidement devenir onéreux : un paquet de 28 patchs est vendu à 60$, chaque patch ayant une durée d’action de 24 heures. Il est également mentionné qu’il est possible d’utiliser simultanément deux à trois patchs. De plus, selon les informations disponibles sur le site web de la compagnie, les Super Patchs sont présentés comme sans médicament, sans gluten, sans parabènes, sans latex, hypoallergéniques et sans OGM. Cependant, un point préoccupant est que la compagnie n’a pas divulgué la composition exacte de ces patchs, comme souligné dans leur vidéo promotionnelle intitulée What ingredients are in the Super Patch? Cette absence de transparence sur les ingrédients peut être un sujet d’inquiétude pour les consommateurs soucieux de la composition des produits qu’ils utilisent.

Pourquoi les Super Patchs font-ils tant parler d’eux ?

Ce produit se fait remarquer sur le marché très concurrentiel des produits de santé vendus en ligne, où il est présenté comme une solution miraculeuse aux problèmes de santé quotidiens. L’engouement pour des remèdes rapides a entraîné une forte demande pour de tels produit. La société canadienne The Super Patch Company, bien consciente de cette tendance, a lancé une campagne marketing dynamique sur les réseaux sociaux, enrichie de nombreux témoignages louant les vertus presque magiques de leurs patchs. En plus, l’entreprise organise des événements très dynamiques où elle distribue des échantillons gratuits, augmentant ainsi sa visibilité et sa popularité.

Que faut-il retenir ?

La technologie vibro-tactile, utilisée dans des produits comme les Super Patchs, se vend comme une solution révolutionnaire pour la gestion de la douleur, bien que les preuves scientifiques à son appui restent discutables. Les études mentionnées manquent de rigueur méthodologique essentielle comme la randomisation et l’aveuglement, ce qui pourrait influencer la fiabilité de leurs résultats. De plus, les Super Patchs n’étant pas approuvés par des organismes de régulation comme Santé Canada, leur sécurité et leur efficacité restent incertaines. La transparence concernant les ingrédients et la composition des patchs fait également défaut, ce qui soulève des inquiétudes supplémentaires pour les consommateurs attentifs. En dépit de ces zones d’ombre, la popularité du produit est amplifiée par une marketing habile et l’effet placebo pourrait jouer un rôle non négligeable dans les témoignages des utilisateurs. En conclusion, il est essentiel de rester informé et critique face aux produits de santé miraculeux, surtout quand leur efficacité ne sont pas clairement établies.

Par Martine Bordeleau, chercheuse postdoctorale à l’Université de Sherbrooke, spécialiste en évaluation sensorielle et utilisation de technologies vibro-tactiles

Références additionnelles
Journal de Montréal : « C’est extrêmement préoccupant»: des experts s’inquiètent des populaires «Super Patch» qui soi-disant guérissent tout.« 
Pharmachien : « Mon analyse des fameuses SUPER PATCH« 
La Facture : « Des prétentions qui ne collent pas«